Le mot « deuil » est souvent associé à la perte d’un être cher. Pourtant, nous vivons de nombreux deuils tout au long de notre vie, souvent sans les nommer ainsi. Ce sont des deuils invisibles, silencieux, symboliques : une rupture, un changement de vie, la perte d’un emploi, un déménagement, un rêve qui s’effondre.

Reconnaître que l’on traverse un deuil, même sans décès, c’est commencer à prendre soin de soi. Cet article vous invite à explorer les différents visages du deuil et vous offre des clés pour avancer à votre rythme et avec douceur.

Les multiples visages du deuil

Le deuil ne prend pas qu’un seul visage. Il peut être brutal, évident, ou au contraire diffus, discret, intime.

  • Les deuils visibles : Ce sont ceux que la société reconnaît comme tels : la perte d’un être cher, une rupture amoureuse, le décès d’un animal de compagnie. Ces deuils ont souvent droit à des rituels, des mots, un espace pour être partagés. Pourtant, même là, chacun vit la perte à sa manière, parfois en décalage avec ce que l’entourage attend ou projette.
  • Les deuils invisibles : Plus discrets, mais tout aussi puissants. Ce sont les pertes que l’on ne nomme pas, ou que l’on minimise : la perte d’un emploi, d’un logement, d’un statut social ou d’une fonction identitaire.
    Par exemple, une infirmière en arrêt longue durée peut ressentir un profond vide, comme si elle avait perdu une part essentielle d’elle-même.
    La fausse couche en est un autre exemple douloureux : la grossesse s’arrête, mais le lien était déjà là. Ce qu’on perd, ce n’est pas seulement un corps en devenir, c’est une promesse, une projection, une espérance. Et souvent, il n’y a ni mots, ni place pour en parler.
  • Les deuils symboliques : Ils accompagnent les passages de vie, les renoncements intérieurs, les fins d’étapes qui redéfinissent profondément qui l’on est. Ce n’est pas forcément un événement brutal, mais plutôt un glissement, parfois silencieux, souvent bouleversant.
    Cela peut être l’entrée en retraite, la ménopause, le départ d’un enfant devenu adulte. Mais aussi le deuil d’un projet de vie : une femme qui ne pourra pas avoir d’enfant, par exemple, peut vivre un véritable effondrement intérieur. Elle ne perd pas un enfant concret, mais un rôle, une identité rêvée, une partie d’elle-même projetée dans l’avenir.
    Ces deuils sont symboliques, parce qu’ils ne portent pas toujours de nom. Mais ils méritent, eux aussi, d’être reconnus et accompagnés.

    Chacun de ces deuils provoque un bouleversement intérieur, un réajustement émotionnel et identitaire. Et chacun mérite d’être reconnu.

Accompagnement-deuil-périnatal

Pourquoi il est si difficile de reconnaître un deuil

Dans nos sociétés modernes, la performance est valorisée. Il faut « avancer », « rebondir », « tourner la page ». Mais le deuil, lui, demande de ralentir. D’écouter. De sentir.

Et cela dérange.

Les deuils invisibles sont donc souvent passés sous silence — par l’entourage, mais aussi par nous-mêmes. Parce qu’on ne les reconnaît pas comme légitimes. Parce qu’on se dit : « Ce n’était qu’un travail », « Je devrais être heureux.se », « Il y a pire que moi. »

Ces pensées nous éloignent de nous-mêmes. Elles empêchent de prendre soin de ce qui saigne, même en silence.

Suis-je en deuil ? Les signes méconnus

Certains signaux intérieurs peuvent indiquer que nous traversons un deuil, sans le savoir :

  • Une tristesse persistante ou inexpliquée
  • Une grande fatigue, un manque d’énergie
  • Des difficultés à se projeter, à retrouver de la joie
  • Une sensation de vide, de perte de sens
  • Des ruminations autour de ce qui a été perdu
  • Des symptômes physiques comme des douleurs diffuses, des troubles digestifs, des insomnies…

Le deuil ne se vit pas seulement dans le cœur ou dans la tête. Le corps aussi parle.
Des études en psychologie et en neurosciences (notamment celles de Boris Cyrulnik, George Bonanno ou Mary-Frances O’Connor) montrent que le deuil, même invisible, peut affaiblir le système immunitaire, déséquilibrer le sommeil et le stress, voire augmenter le risque de maladies cardiovasculaires.

Ce que l’on retient dans le mental, le corps l’exprime souvent à sa manière.

Comment avancer dans son deuil : des clés concrètes et sensibles

  • Accueillir ce qui est là, sans jugement
    Toutes les émotions ont leur place : la tristesse, la colère, la peur, parfois même le soulagement. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de réagir. Ce que vous ressentez est juste, même si ce n’est pas ce qu’on attend de vous, même si cela ne se voit pas.
  • Nommer la perte, même symbolique. 
    Mettre des mots sur ce qui a été perdu aide à en prendre soin, à lui donner une forme, une existence. Comme le dit Bris Cyrulnik : « Mettre des mots sur les maux, c’est déjà commencer à les guérir. ».  Cela ne change pas le passé, mais cela transforme le regard qu’on lui porte. Dire “j’ai perdu mon rôle de mère”, “j’ai perdu ma maison”, “je ne suis plus celle que j’étais” permet d’ouvrir un espace de sens et de douceur. Cela permet de reconnaître qu’il y a bien eu un avant et qu’un après est en train de naître.
  • Créer des rituels personnels 
    Le deuil a besoin de symboles, de gestes concrets qui marquent la transition. Ecrire une lettre, allumer une bougie, fabriquer une boîte à souvenirs, un objet de mémoire… Tout ce qui permet de dire au revoir en douceur peut soutenir le processus.
  • Conserver le lien autrement
    On ne coupe pas le lien avec ce qui est perdu, on le transforme. Une personne aimée reste présente dans nos gestes, nos valeurs, nos silences. Un rêve abandonné peut renaître autrement, sous une autre forme.
  • Accepter que le deuil n’a pas d’agenda
    Il n’ y a pas d’urgence à aller mieux. Le deuil ne se termine pas, il s’intègre. Eviter les injonctions du type : « il faut tourner la page ». Comprendre que certains jours sont plus durs et d’autres plus doux.
  • S’entourer même d’une seule personne qui sait écouter
    Le deuil a besoin d’être partagé. On n’a pas besoin de conseils, mais de présence. Une oreille qui écoute sans juger, un professionnel formé, un groupe de parole, un.e ami.e qui ne cherche pas à réparer.
  • Se relier à son corps et à la lenteur
    Le corps sait. Il porte la mémoire, la douleur, mais aussi les ressources. Dormir, pleurer, danser, marcher lentement, … Se laisser traverser.
  • Donner un sens si cela devient possible                                                                                                               Certaines personnes trouvent un sens un jour à leur perte : en créant un projet, en accompagnant d’autres, en posant un geste engagé. Mais ce n’est pas une obligation. Le sens ne se fabrique pas, il émerge parfois… ou pas. Et cela aussi est valable. 

deuil

Le deuil comme transformation possible

Le deuil ne signe pas une fin. Il transforme. Il s’infuse peu à peu dans l’histoire de vie. Il devient une partie de soi, apaisée, mais toujours vivante. Avec le temps, il est parfois possible de dire : « Ce deuil m’a changé. Il m’a ouvert à d’autres dimensions de moi, du monde, des autres. » Ce n’est pas toujours une renaissance. Mais c’est souvent une profondeur nouvelle.

Le deuil est un témoin de ce qui a compté. Il dit l’amour, le lien, l’attachement. Il ne révèle pas une fragilité, mais une humanité.

Apprenons à reconnaître ces pertes invisibles. À leur faire de la place. Pour que la vie puisse continuer — autrement, mais encore pleine de sens.

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